Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

bertrand renouvin - Page 2

  • Ukraine : que pourrait faire la France ? ...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue équilibré de Bertrand Renouvin, cueilli sur son blog et consacré à la crise ukrainienne...

    Paris Berlin Moscou 3.jpg

    Ukraine : que pourrait faire la France ?

    Dans le débat français sur la crise ukrainienne, une question mériterait d’être privilégiée : que peut faire la France ? Ce souci est balayé par le discours dominant. Qui n’est pas pour Kiev est pour Moscou – et Paris se trouve naturellement dans le camp du Bien. Comme ce camp a fait beaucoup de mal, dans l’ancienne Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak, en Libye… il est prudent de se garder des fausses évidences du manichéisme ambiant. Et si la France est approuvée par les arbitres du bon ton diplomatique, c’est en raison de son effacement. François Hollande répète ce que dit Barak Obama, s’en remet à la Commission européenne et laisse Angela Merkel discuter directement avec Vladimir Poutine.

    Plutôt que de remâcher cette nouvelle humiliation, il faut réfléchir à ce que pourrait faire la France, dès lors que, libérée de son oligarchie atlantiste, elle ferait exploser la zone euro et quitterait définitivement l’OTAN. Il ne s’agit pas de rédiger une feuille de route, ce qui impliquerait un cheminement au ras du sol, mais de regarder, avant tout engagement, la carte du monde. On voit la Chine, qui nous agresse commercialement, et les Etats-Unis en déclin. On voit aussi que la Russie ne nous menace en rien et l’on sait que l’Union européenne est moribonde. On se souvient que la pression islamiste se renforce sur l’Asie centrale et sur le Nord-Caucase et l’on constate que la Russie s’efforce de contenir la menace. Dès lors, la France pourrait construire un nouveau système d’alliances continentales, dans le cadre d’une confédération européenne respectant la souveraineté de ses Etats-membres.

    Cette nouvelle politique européenne viserait la réduction progressive des tensions en Europe à laquelle la France  contribuerait en incitant les Etats concernés à renoncer au bouclier anti-missiles américain  puis à quitter l’OTAN au profit d’une organisation européenne de sécurité. Cette politique d’apaisement et de sécurité collective impliquerait une coopération avec la Russie dans la lutte contre l’islamisme et, dans le même temps, un plan européen de développement économique et social conçu hors de la dogmatique ultralibérale, dans le souci de l’écologie générale du continent et des mers qui l’entourent.

    Si un gouvernement français s’était placé dans cette perspective, tracée par le général de Gaulle pendant la Guerre froide, il aurait été possible de favoriser le règlement de la crise ukrainienne. Il aurait fallu :

    Constater que l’insurrection kiévienne a engendré un pouvoir de fait qui a déchiré l’accord entre le président légal et les partis d’opposition et violé la Constitution en destituant Viktor Ianoukovitch et en supprimant la Cour constitutionnelle qui aurait dû se prononcer sur cette destitution.

    Exiger que ce pouvoir de fait ne signe pas de nouveaux traités et n’engage pas de discussion avec l’OTAN afin d’apaiser les craintes justifiées de la Russie – le projet d’accord entre l’Ukraine et l’Union européenne comportant des clauses de coopération militaire.

    Exiger le désarmement et la dissolution des partis nationaux-socialistes afin que la sécurité des personnes et les libertés publiques soient de nouveau garanties.

    Eviter que l’Ukraine ne tombe sous la coupe du FMI et ne subisse les effets désastreux d’une thérapie de choc en proposant à toutes les puissances européennes la mise en œuvre d’un plan d’urgence pour le financement et le développement de l’Ukraine.

    Prendre au mot le président de la Fédération de Russie qui a déclaré le 4 mars qu’il n’avait pas l’intention d’encourager les tendances annexionnistes, l’inciter à différer le référendum prévu en Crimée et les demandes de rattachement à la Russie de plusieurs villes d’Ukraine et soutenir sa proposition d’organiser la consultation de tout le peuple d’Ukraine en vue de l’adoption d’une nouvelle Constitution.

    Encourager les partis démocratiques d’Ukraine à se concerter pour organiser les élections législatives et présidentielles hors de toute pression extérieure – qu’elle soit américaine, allemande, polonaise,  russe – afin que le peuple ukrainien se donne librement de nouvelles institutions.

    C’est en étant libre de toute allégeance que la France aurait pu favoriser la paix en Europe.

    Bertrand Renouvin (Blog de Bertrand Renouvin, 12 mars 2014)

    Lien permanent Catégories : En Europe, Géopolitique, Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • La fabrique de l'impuissance ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bertrand Renouvin, cueilli sur son blog et consacré à l'impuissance de la classe politique européenne...

    bertrand renouvin, gouvernance, individualisme, institutions européennes, marcel gauchet,oligarchie, ultralibéralisme

     

    La fabrique de l'impuissance

    Après l’aveuglement volontaire sur l’économie et maintes bévues, l’échec humiliant dans l’affaire syrienne. Faute de pouvoir arrêter maintenant ce cours funeste, essayons une nouvelle fois de comprendre ce qui se passe dans la tête de François Hollande. Il n’y aura pas de réplique efficace, à terme, si nous nous contentons de dénoncer la trahison sociale-libérale et la dérive atlantiste de l’équipe au pouvoir. Le hollandisme n’est qu’une illustration de la crise du Politique qui affecte cruellement les principaux pays de l’Union européenne.

    Dans un entretien récemment publié, Marcel Gauchet apporte sur ce point des explications décisives (1). Nous sommes « sous le règne d’une oligarchie qui tend à s’affranchir des mécanismes démocratiques au nom de la bonne gouvernance économique ». Cet état de fait est une spécificité ouest-européenne car il est intimement lié à l’idéologie et aux mécanismes de l’Union : ceux-ci  tendent à « vider les appareils politiques nationaux de toute substance » et à construire un appareil post-national et post-étatique régulé par le droit et l’économie – celui de la « gouvernance » qui remplacera les gouvernements élus.

    Cette évolution nous est présentée comme une nécessité et même comme une fatalité. Depuis les années cinquante du siècle dernier, le « dépassement des nations » est affirmé comme Loi de l’histoire – une histoire qui trouverait sa fin finale dans le divin marché. Cette version lénifiante du déterminisme historique n’est qu’une vaste foutaise. C’est une volonté collective qui est à l’œuvre, celle des élites européistes qui ont trouvé une formidable combine : tirer tous profits de la présence au gouvernement en se débarrassant des responsabilités qu’implique l’action gouvernementale. Il y a une « impuissance fabriquée », voire « souhaitée » par les principaux artisans de la construction européenne. Cette vérité est difficile à comprendre : les chefs de parti déploient une telle volonté de puissance qu’on espère toujours qu’il en restera quelque chose lorsqu’ils exerceront le pouvoir. Le volontarisme de Nicolas Sarkozy a séduit maints nostalgiques du général de Gaulle et François Hollande eut en 2012 quelques beaux accents avant d’aller plus avant sur la voie des redditions.

    Oh ! bien sûr, au fil des discours, on tente encore de nous vendre le rêve européen. Mais « qui se sent représenté aujourd’hui par le Parlement européen ? Qui peut avoir envie de s’en remettre aux inspirations de Manuel Barroso ? » ; la Cour de justice européenne, « c’est le sommet de l’aberration puisqu’elle prétend faire de la politique avec du droit » et le fédéralisme européen « c’est terminé ». Ces affirmations s’appuient sur des analyses approfondies, aux conclusions parfaitement angoissantes. Ainsi, « l’Union européenne est incapable de penser politiquement la mondialisation : sa logique spontanée est de s’y dissoudre ».

    Les peuples de l’Ouest-européen rejettent cet européisme dissolvant mais cela ne signifie pas que des insurrections populaires dans la rue ou dans les urnes provoqueraient immanquablement une renaissance politique car les peuples sont en proie à de rudes contradictions : on nous offre « la liberté totale de chacun et l’impuissance complète de tous » et nous vivons douloureusement l’individualisme… qui suppose « une socialisation intégrale de l’existence ».

    Marcel Gauchet n’est pas désespéré. La collectivité nationale peut se réaffirmer, l’Europe est à repenser sur le mode de la coopération et de grands hommes politiques pourraient tirer parti de nos contradictions pour le bien public s’ils nous expliquaient clairement comment on peut concilier la liberté individuelle et le projet commun. Ces grands hommes, nous ne les trouvons pas. Les tribuns des deux Fronts désignent d’autres impasses – celle du nationalisme, celle du socialisme hors-sol. Il faut donc à la France une nouvelle génération politique. Elle se formera grâce à ceux qui ont une pensée – une pensée rigoureuse à tous les sens du terme. L’urgence est de faire connaître les livres, les entretiens, les articles qui inspireront, chez quelques-uns, les engagements salvateurs. Il faut Aristote pour qu’il y ait Alexandre.

    Bertrand Renouvin (Blog de Bertrand Renouvin, 22 septembre 2013)

     

    Note :

    (1)    Cf. la revue « Au fait », n° 3, septembre 2013. Pages 62-78.

    Après l’aveuglement volontaire sur l’économie et maintes bévues, l’échec humiliant dans l’affaire syrienne (1). Faute de pouvoir arrêter maintenant ce cours funeste, essayons une nouvelle fois de comprendre ce qui se passe dans la tête de François Hollande. Il n’y aura pas de réplique efficace, à terme, si nous nous contentons de dénoncer la trahison sociale-libérale et la dérive atlantiste de l’équipe au pouvoir. Le hollandisme n’est qu’une illustration de la crise du Politique qui affecte cruellement les principaux pays de l’Union européenne.

    Dans un entretien récemment publié, Marcel Gauchet apporte sur ce point des explications décisives (2). Nous sommes « sous le règne d’une oligarchie qui tend à s’affranchir des mécanismes démocratiques au nom de la bonne gouvernance économique ». Cet état de fait est une spécificité ouest-européenne car il est intimement lié à l’idéologie et aux mécanismes de l’Union : ceux-ci  tendent à « vider les appareils politiques nationaux de toute substance » et à construire un appareil post-national et post-étatique régulé par le droit et l’économie – celui de la « gouvernance » qui remplacera les gouvernements élus.

    Cette évolution nous est présentée comme une nécessité et même comme une fatalité. Depuis les années cinquante du siècle dernier, le « dépassement des nations » est affirmé comme Loi de l’histoire – une histoire qui trouverait sa fin finale dans le divin marché. Cette version lénifiante du déterminisme historique n’est qu’une vaste foutaise. C’est une volonté collective qui est à l’œuvre, celle des élites européistes qui ont trouvé une formidable combine : tirer tous profits de la présence au gouvernement en se débarrassant des responsabilités qu’implique l’action gouvernementale. Il y a une « impuissance fabriquée », voire « souhaitée » par les principaux artisans de la construction européenne. Cette vérité est difficile à comprendre : les chefs de parti déploient une telle volonté de puissance qu’on espère toujours qu’il en restera quelque chose lorsqu’ils exerceront le pouvoir. Le volontarisme de Nicolas Sarkozy a séduit maints nostalgiques du général de Gaulle et François Hollande eut en 2012 quelques beaux accents avant d’aller plus avant sur la voie des redditions.

    Oh ! bien sûr, au fil des discours, on tente encore de nous vendre le rêve européen. Mais « qui se sent représenté aujourd’hui par le Parlement européen ? Qui peut avoir envie de s’en remettre aux inspirations de Manuel Barroso ? » ; la Cour de justice européenne, « c’est le sommet de l’aberration puisqu’elle prétend faire de la politique avec du droit » et le fédéralisme européen « c’est terminé ». Ces affirmations s’appuient sur des analyses approfondies, aux conclusions parfaitement angoissantes. Ainsi, « l’Union européenne est incapable de penser politiquement la mondialisation : sa logique spontanée est de s’y dissoudre ».

    Les peuples de l’Ouest-européen rejettent cet européisme dissolvant mais cela ne signifie pas que des insurrections populaires dans la rue ou dans les urnes provoqueraient immanquablement une renaissance politique car les peuples sont en proie à de rudes contradictions : on nous offre « la liberté totale de chacun et l’impuissance complète de tous » et nous vivons douloureusement l’individualisme… qui suppose « une socialisation intégrale de l’existence ».

    Marcel Gauchet n’est pas désespéré. La collectivité nationale peut se réaffirmer, l’Europe est à repenser sur le mode de la coopération et de grands hommes politiques pourraient tirer parti de nos contradictions pour le bien public s’ils nous expliquaient clairement comment on peut concilier la liberté individuelle et le projet commun. Ces grands hommes, nous ne les trouvons pas. Les tribuns des deux Fronts désignent d’autres impasses – celle du nationalisme, celle du socialisme hors-sol. Il faut donc à la France une nouvelle génération politique. Elle se formera grâce à ceux qui ont une pensée – une pensée rigoureuse à tous les sens du terme. L’urgence est de faire connaître les livres, les entretiens, les articles qui inspireront, chez quelques-uns, les engagements salvateurs. Il faut Aristote pour qu’il y ait Alexandre.

    ***

    (1)    Cf. sur ce blog les chroniques 84, 85, 86 et 87.

    (2)    Cf. la revue « Au fait », n° 3, septembre 2013. Pages 62-78.

    - See more at: http://www.bertrand-renouvin.fr/#sthash.3EVXFQBa.dpuf

    Après l’aveuglement volontaire sur l’économie et maintes bévues, l’échec humiliant dans l’affaire syrienne (1). Faute de pouvoir arrêter maintenant ce cours funeste, essayons une nouvelle fois de comprendre ce qui se passe dans la tête de François Hollande. Il n’y aura pas de réplique efficace, à terme, si nous nous contentons de dénoncer la trahison sociale-libérale et la dérive atlantiste de l’équipe au pouvoir. Le hollandisme n’est qu’une illustration de la crise du Politique qui affecte cruellement les principaux pays de l’Union européenne.

    Dans un entretien récemment publié, Marcel Gauchet apporte sur ce point des explications décisives (2). Nous sommes « sous le règne d’une oligarchie qui tend à s’affranchir des mécanismes démocratiques au nom de la bonne gouvernance économique ». Cet état de fait est une spécificité ouest-européenne car il est intimement lié à l’idéologie et aux mécanismes de l’Union : ceux-ci  tendent à « vider les appareils politiques nationaux de toute substance » et à construire un appareil post-national et post-étatique régulé par le droit et l’économie – celui de la « gouvernance » qui remplacera les gouvernements élus.

    Cette évolution nous est présentée comme une nécessité et même comme une fatalité. Depuis les années cinquante du siècle dernier, le « dépassement des nations » est affirmé comme Loi de l’histoire – une histoire qui trouverait sa fin finale dans le divin marché. Cette version lénifiante du déterminisme historique n’est qu’une vaste foutaise. C’est une volonté collective qui est à l’œuvre, celle des élites européistes qui ont trouvé une formidable combine : tirer tous profits de la présence au gouvernement en se débarrassant des responsabilités qu’implique l’action gouvernementale. Il y a une « impuissance fabriquée », voire « souhaitée » par les principaux artisans de la construction européenne. Cette vérité est difficile à comprendre : les chefs de parti déploient une telle volonté de puissance qu’on espère toujours qu’il en restera quelque chose lorsqu’ils exerceront le pouvoir. Le volontarisme de Nicolas Sarkozy a séduit maints nostalgiques du général de Gaulle et François Hollande eut en 2012 quelques beaux accents avant d’aller plus avant sur la voie des redditions.

    Oh ! bien sûr, au fil des discours, on tente encore de nous vendre le rêve européen. Mais « qui se sent représenté aujourd’hui par le Parlement européen ? Qui peut avoir envie de s’en remettre aux inspirations de Manuel Barroso ? » ; la Cour de justice européenne, « c’est le sommet de l’aberration puisqu’elle prétend faire de la politique avec du droit » et le fédéralisme européen « c’est terminé ». Ces affirmations s’appuient sur des analyses approfondies, aux conclusions parfaitement angoissantes. Ainsi, « l’Union européenne est incapable de penser politiquement la mondialisation : sa logique spontanée est de s’y dissoudre ».

    Les peuples de l’Ouest-européen rejettent cet européisme dissolvant mais cela ne signifie pas que des insurrections populaires dans la rue ou dans les urnes provoqueraient immanquablement une renaissance politique car les peuples sont en proie à de rudes contradictions : on nous offre « la liberté totale de chacun et l’impuissance complète de tous » et nous vivons douloureusement l’individualisme… qui suppose « une socialisation intégrale de l’existence ».

    Marcel Gauchet n’est pas désespéré. La collectivité nationale peut se réaffirmer, l’Europe est à repenser sur le mode de la coopération et de grands hommes politiques pourraient tirer parti de nos contradictions pour le bien public s’ils nous expliquaient clairement comment on peut concilier la liberté individuelle et le projet commun. Ces grands hommes, nous ne les trouvons pas. Les tribuns des deux Fronts désignent d’autres impasses – celle du nationalisme, celle du socialisme hors-sol. Il faut donc à la France une nouvelle génération politique. Elle se formera grâce à ceux qui ont une pensée – une pensée rigoureuse à tous les sens du terme. L’urgence est de faire connaître les livres, les entretiens, les articles qui inspireront, chez quelques-uns, les engagements salvateurs. Il faut Aristote pour qu’il y ait Alexandre.

    ***

    (1)    Cf. sur ce blog les chroniques 84, 85, 86 et 87.

    (2)    Cf. la revue « Au fait », n° 3, septembre 2013. Pages 62-78.

    - See more at: http://www.bertrand-renouvin.fr/#sthash.3EVXFQBa.dpuf

    Après l’aveuglement volontaire sur l’économie et maintes bévues, l’échec humiliant dans l’affaire syrienne (1). Faute de pouvoir arrêter maintenant ce cours funeste, essayons une nouvelle fois de comprendre ce qui se passe dans la tête de François Hollande. Il n’y aura pas de réplique efficace, à terme, si nous nous contentons de dénoncer la trahison sociale-libérale et la dérive atlantiste de l’équipe au pouvoir. Le hollandisme n’est qu’une illustration de la crise du Politique qui affecte cruellement les principaux pays de l’Union européenne.

    Dans un entretien récemment publié, Marcel Gauchet apporte sur ce point des explications décisives (2). Nous sommes « sous le règne d’une oligarchie qui tend à s’affranchir des mécanismes démocratiques au nom de la bonne gouvernance économique ». Cet état de fait est une spécificité ouest-européenne car il est intimement lié à l’idéologie et aux mécanismes de l’Union : ceux-ci  tendent à « vider les appareils politiques nationaux de toute substance » et à construire un appareil post-national et post-étatique régulé par le droit et l’économie – celui de la « gouvernance » qui remplacera les gouvernements élus.

    Cette évolution nous est présentée comme une nécessité et même comme une fatalité. Depuis les années cinquante du siècle dernier, le « dépassement des nations » est affirmé comme Loi de l’histoire – une histoire qui trouverait sa fin finale dans le divin marché. Cette version lénifiante du déterminisme historique n’est qu’une vaste foutaise. C’est une volonté collective qui est à l’œuvre, celle des élites européistes qui ont trouvé une formidable combine : tirer tous profits de la présence au gouvernement en se débarrassant des responsabilités qu’implique l’action gouvernementale. Il y a une « impuissance fabriquée », voire « souhaitée » par les principaux artisans de la construction européenne. Cette vérité est difficile à comprendre : les chefs de parti déploient une telle volonté de puissance qu’on espère toujours qu’il en restera quelque chose lorsqu’ils exerceront le pouvoir. Le volontarisme de Nicolas Sarkozy a séduit maints nostalgiques du général de Gaulle et François Hollande eut en 2012 quelques beaux accents avant d’aller plus avant sur la voie des redditions.

    Oh ! bien sûr, au fil des discours, on tente encore de nous vendre le rêve européen. Mais « qui se sent représenté aujourd’hui par le Parlement européen ? Qui peut avoir envie de s’en remettre aux inspirations de Manuel Barroso ? » ; la Cour de justice européenne, « c’est le sommet de l’aberration puisqu’elle prétend faire de la politique avec du droit » et le fédéralisme européen « c’est terminé ». Ces affirmations s’appuient sur des analyses approfondies, aux conclusions parfaitement angoissantes. Ainsi, « l’Union européenne est incapable de penser politiquement la mondialisation : sa logique spontanée est de s’y dissoudre ».

    Les peuples de l’Ouest-européen rejettent cet européisme dissolvant mais cela ne signifie pas que des insurrections populaires dans la rue ou dans les urnes provoqueraient immanquablement une renaissance politique car les peuples sont en proie à de rudes contradictions : on nous offre « la liberté totale de chacun et l’impuissance complète de tous » et nous vivons douloureusement l’individualisme… qui suppose « une socialisation intégrale de l’existence ».

    Marcel Gauchet n’est pas désespéré. La collectivité nationale peut se réaffirmer, l’Europe est à repenser sur le mode de la coopération et de grands hommes politiques pourraient tirer parti de nos contradictions pour le bien public s’ils nous expliquaient clairement comment on peut concilier la liberté individuelle et le projet commun. Ces grands hommes, nous ne les trouvons pas. Les tribuns des deux Fronts désignent d’autres impasses – celle du nationalisme, celle du socialisme hors-sol. Il faut donc à la France une nouvelle génération politique. Elle se formera grâce à ceux qui ont une pensée – une pensée rigoureuse à tous les sens du terme. L’urgence est de faire connaître les livres, les entretiens, les articles qui inspireront, chez quelques-uns, les engagements salvateurs. Il faut Aristote pour qu’il y ait Alexandre.

    ***

    (1)    Cf. sur ce blog les chroniques 84, 85, 86 et 87.

    (2)    Cf. la revue « Au fait », n° 3, septembre 2013. Pages 62-78.

    - See more at: http://www.bertrand-renouvin.fr/#sthash.3EVXFQBa.dpuf
    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Vogue la galère !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue intéressant de Bertrand Renouvin, cueilli sur son blog et consacré au fonctionnement de l'oligarchie qui domine notre pays...

     

    Oligarchie.jpg

    Vogue la galère !

    Des amis personnels, hauts fonctionnaires en poste, souvent à l’étranger, m’interrogent sur l’attitude des principaux personnages de l’Etat. C’est flatteur : je suis censé connaître les raisons profondes des décisions prises, évitées ou reportées, des aberrations constatées, de l’indifférence plus ou moins polie des oligarques à l’égard de ceux qui leur apportent des informations pertinentes et des solutions permettant de sortir de l’impasse ultralibérale. Hélas ! Mes explications ne parviennent pas à satisfaire ces amis, qui ont pour la plupart voté à gauche avec un mince espoir et qui voient de très près comment les intérêts français sont si peu et si mal défendus. A partir d’observations directes ou indirectes, je voudrais cependant résumer mon point de vue par quelques mots.

    Carrière. Quand le service de l’Etat est inscrit dans un plan de carrière qui est lié aux rapports de force à l’intérieur d’un parti, les pensées et les actes sont ramenés à la médiocrité des calculs personnels.

    Communication. Quand l’action politique est soumise aux critères de la communication, la capacité de juger est perdue aussi sûrement que le fameux « contact » avec le « terrain » : on fait ce qui est convenable pour bien paraître dans les médias sans vouloir comprendre qu’ils n’assurent pas la relation entre le pouvoir et le peuple.

    Clôture. L’oligarchie est un monde clos, dans lequel l’adhésion populaire et les sentiments des subordonnés ne comptent pas plus que la morale commune : le politique cherche l’estime du grand industriel qui guette celle du banquier que le patron de médias sollicite. L’argent irrigue l’ensemble, sans qu’on se préoccupe des sources. La corruption n’est plus ressentie comme telle.

    Dogmatisme. Les oligarques de droite et de gauche évoluent dans la même bouillie idéologique, tellement touillée en petits comités qu’elle leur paraît naturelle. Le libre-échange, l’euro, la spéculation, la Commission européenne, l’Occident et la prééminence américaine ne sauraient être mis en question. La nation passe donc à l’arrière-plan – celui des discours de campagne électorale.

    Opportunisme. Dans un monde clos, riche en jeux de miroirs, les idées sont réduites à des formules sans importance. Seuls comptent les rapports de force dans une microsociété qui se croit réaliste en oubliant que les idées font naître les réalités. J’observe que les oligarques ont raison de penser ainsi : les jugements critiques et les idées neuves n’ont pour le moment aucune force et il est facile d’en conclure qu’il n’y a point de menace – hormis les scandales qui frappent quelques éminences.Vogue la galère !

    Si l’on additionne le carriérisme, la communication, l’entre-soi, le dogmatisme et l’opportunisme, on aboutit à un premier constat qui permet d’expliquer l’inexplicable : l’oligarchie ne pense pas, elle n’est plus dans l’histoire de la nation, elle ignore tout du Politique et elle justifie son irresponsabilité en prétendant que l’intérêt national passe par un « intérêt européen » qu’elle serait bien en peine de définir. D’autres décident, à Bruxelles, à Francfort, à Berlin, à Washington selon les « dossiers » à traiter, en tout cas « en Occident » (1) et l’on s’en tient à une défense minimaliste – par exemple sur l’exception culturelle – qui permet de faire accepter des abandons majeurs comme on le verra lors des négociations sur la libéralisation des échanges entre l’Union européenne et les Etats-Unis.

    Il n’y a donc rien à comprendre, sinon que les oligarques français suivent la tendance dominante – le mainstream – dans leur Occident fictif afin de conserver l’estime des clubmen qu’ils rencontrent lors des sommets internationaux et dans les conseils européens.

    Aucune indignation, aucune exhortation ne les conduira à changer d’attitude puisque le rapport des forces joue en leur faveur dans les principaux pays de l’Union européenne. Des syndicats divisés et parfois complices. Des mouvements protestataires dépourvus de stratégie cohérente. Dans les classes moyennes et populaires, des citoyens partagés entre l’accablement et l’exaspération… Les oligarques peuvent, non sans bonnes raisons, se sentir hors d’atteinte. C’est ce sentiment d’invulnérabilité qui est pour eux le principal danger.

    Bertrand Renouvin (Blog de Bertrand Renouvin, 17 juin 2013)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 2 commentaires Pin it!
  • Marchés, machines et mafias...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bertrand Renouvin, cueilli sur son blog et consacré à la soumission de l'oligarchie qui nous gouverne à la loi du divin marché...

    Stock_Exchange.jpg

     

    Marchés, machines et mafias

    Les oligarques sont hantés par « les marchés ». Que pensent-ils ? Que vont-ils faire ? Les taux d’intérêts, les dettes, les budgets nationaux, tout dépend des « marchés » qui réduiraient à peu de choses les marges de manœuvre des Etats. L’austérité est une contrainte ! La déflation salariale une nécessité… sauf pour les grands patrons et les banquiers qui touchent des sommes mirobolantes !

    Le discours biaisé sur « les marchés » invoque pour se justifier la théorie économique : les marchés sont efficients, ils sont le thermomètre de l’activité générale, ils adressent les signaux qui permettent les investissements judicieux. Sur « les marchés », les opérateurs sont beaucoup plus pertinents que les régulateurs et la dérégulation maximale est par conséquent la condition de la bienfaisante concurrence.  Telle est la vérité que nous devrions accepter, avec enthousiasme ou résignation selon les cas.

    En haut lieu, on est persuadé que  « les gens » réagissent simplement aux stimuli des campagnes de communication. Ils ne savent pas que la théorie économique invoquée est comme la lumière d’une étoile morte ? Ils ont oublié que la crise commencée en 2007-2008 a détruit la légende de l’efficience des marchés financiers ? Admettons. Mais il suffit de regarder la télévision pour savoir ce qu’il en est des « marchés ».

    Ecoutons Philippe Béchade sur BFM Business (1). Ce spécialiste de la Bourse décrit semaine après semaine la hausse prodigieuse du cours des actions et les gains gigantesques des spéculateurs. Quand on peut réaliser des profits inouïs en quelques heures, on renonce à investir dans l’économie où il faut patienter plusieurs années avant de rentabiliser ses investissements. Les « marchés » aspirent toutes les liquidités mais ce n’est ni un signe d’efficience, ni une preuve d’autonomie. Philippe Béchade montre que Wall Street est alimentée par la Banque centrale des Etats-Unis (FED) qui ne cesse de créer de la monnaie. « La FED achète le marché », elle «fait monter le marché, c’est totalement mécanique » car ce sont les machines qui prennent les décisions à la place des boursiers : « on se repose sur les algorithmes » (2). Tels sont les mécanismes qui produisent chez les financiers une euphorie d’autant plus inquiétante que, pour la première fois dans l’histoire, « les actifs sont totalement déconnectés de toute activité », alors qu’auparavant on spéculait à partir d’une réalité – par exemple les nouvelles technologies ou l’immobilier. C’est clairement dit : les marchés financiers ne sont plus des thermomètres mais des bombes à retardement et les signaux qu’ils envoient ne s’adressent qu’à eux-mêmes : acheter toujours plus puisque tout le monde achète car cette fois il est certain que les arbres monteront jusqu’au ciel ! Le divin marché est une construction fictive vouée à s’effondrer dans la panique.

    Ce n’est pas tout. Un livre récent, qui se lit comme un roman noir (3), prouve documents à l’appui que les mafias ont prospéré en Italie, aux Etats-Unis et en Russie grâce à la déréglementation ultralibérale et à la globalisation financière. Les activités des délinquants en cols blancs – de l’évasion fiscale aux diverses formes de corruption – sont de plus en plus mêlées aux trafics des mafias constituées comme telles et les grandes figures du crime organisé copinent avec les vedettes de la politique, du spectacle et du sport. « Il est tout aussi dangereux d’être gouverné par l’argent organisé que par le crime organisé », disait Roosevelt. Nous voyons aujourd’hui que le crime et l’argent gouvernent ensemble le système mondialisé de la prédation.

    La scène du crime est sous les yeux des citoyens. Mais chacun n’en voit qu’une petite partie, qui à elle seule montre la puissance presque désespérante de l’ennemi – et sa séduction car la corruption procure d’immédiats agréments. Pour vaincre l’argent et le crime organisé, il faudra restaurer l’Etat et remettre toutes les forces dont il dispose au service du bien commun. Il faut faire la révolution par la loi et pour la nation, avec un chef d’Etat digne de ce nom.

    Bertrand Renouvin (Le Blog de Bertrand Renouvin, 2 juin 2013)

     

    Notes :

    (1) Chronique du 22 mai.

    (2) En gros, un algorithme est une suite d’instructions précises données à une machine à calculer.

    (3) Jacques de Saint Victor, Un pouvoir invisible, Les mafias et la société démocratique 19ème – 20ème siècle, Gallimard, 2012. Ce livre sera présenté dans notre prochain numéro.

    Lien permanent Catégories : Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • Les snipers de la semaine... (62)

    the_killer_elite.jpg

    Au sommaire cette semaine :

    - sur Nouvelles de France, Christian Vanneste rafale les méprisables petits Vychinski germano-pratins du Syndicat de la magistrature...

    Le mur fait par des cons !

    mur des cons.jpg

     

    - sur son blog, Bertrand Renouvin exécute François Hollande, petit homme perdu dans un costume trop grand pour lui...

    François Hollande : un bilan consternant

    Hollande.png

    Lien permanent Catégories : Snipers 0 commentaire Pin it!
  • Les snipers de la semaine... (62)

     

    Clown.jpg

    Au sommaire cette semaine :

    - sur Boulevard Voltaire, Dominique Jamet exécute la journaliste du Monde Ariane Chemin pourun article puant sur les amitiés droitières de Jérôme Cahuzac...

    Scoop : Ariane Chemin n'est pas journaliste mais flic

    Journaliste flic.jpg

    - sur son blog, Bertrand Renouvin mouche Jean-Luc Mélenchon et son projet rideau de fumée de 6ème République...

    Les égarements de Jean-Luc Mélenchon

    Mélenchon 4.jpg

    Lien permanent Catégories : Snipers 0 commentaire Pin it!